Partis en Seine-et-Marne pour ramener un jeune vacancier chez lui, nous avons ensuite joué les touristes à deux pas de chez mes beaux-parents pour découvrir la réhabilitation d’une ancienne usine de papiers peints devenue espace culturel et lieu de mémoire, à Saint Fargeau Ponthierry.

Quand mon beau-père nous a proposé de suivre une visite guidée faisant découvrir “Les 26 Couleurs“, nous ne savions pas du tout ce qui nous attendait ! Nous arrivons donc devant un beau bâtiment en briques et meulière, dont la porte arbore fièrement le numéro 26.

Dans le hall, nous restons bouches bées devant un immense patchwork, un camaïeu de 14 modèles de papiers peints déclinés dans différentes couleurs. Nous apprendrons lors de la visite que ces 14 motifs sont extraits de la collection… 1926 !

Par ce hall, on peut accéder à la salle Catherine Deneuve, salle de cinéma inaugurée quelques mois plus tôt par l’actrice. Mais nous ne sommes pas venus pour ça…

La visite commence par la salle polyvalente, située à l’opposé, c’est-à-dire du côté gauche de la porte d’entrée. L’animatrice de la visite nous explique alors que tout le bâtiment que nous visitons était en fait une centrale électrique qui produisait l’énergie nécessaire aux usines Leroy, installées à Saint Fargeau Ponthierry depuis 1919.

Petit retour au siècle précédent…, en 1842, quand Isidore Leroy installa une manufacture à Paris et révolutionna le principe de l’impression à la planche qui, jusqu’à cette époque, faisait du papier peint une matière artisanale et coûteuse réservée aux nantis.

Il utilisa pour sa part une machine permettant l’impression simultanée de plusieurs couleurs, au moyen de plusieurs cylindres, machine perfectionnée 2 ans plus tard avec le système du “drap sans fin” permettant d’imprimer de grandes longueurs avec le même motif. Il signait ainsi le début de l’impression industrielle.

Sur les cylindres, sortes de rouleaux en bois, les motifs étaient dessinés, puis gravés, avant d’être sertis de tiges de métal entre lesquelles était placé du feutre qui pouvait ainsi dispenser la couleur sur le papier ou l’étoffe.

Améliorant toujours les procédés d’impression, Leroy fait fabriquer en 1877 une machine à imprimer 26 couleurs, machine incroyablement difficile à régler (imaginez que les couleurs de chacun des rouleaux doivent parfaitement se superposer !) et qui, non seulement donne son nom à l’espace que nous avons visité, mais y est également exposée (on aurait juste aimé qu’un cylindre au moins y soit monté…).

A la fin du siècle, la maison Leroy est l’une des plus importantes fabriques de papier peints français et le flambeau passe du père à Charles Isidore, son fils, lequel rachète quelques années plus tard une maison concurrente.

Peu après, la gare de l’Est doit s’agrandir et la maison Leroy est expropriée. C’est alors, en 1911, que les usines s’installent à Ponthierry, à proximité de la Seine qui permettrait d’acheminer facilement le charbon nécessaire aux chaudières quand l’usine serait mise en service, en 1919.

Pour en revenir à l’actuelle salle polyvalente, c’est donc l’ancienne chaufferie où se côtoyaient six énormes chaudières à charbon, lequel était récupéré au moyen d’une passerelle, directement sur les péniches, pour ensuite descendre de l’espace de stockage (correspondant à l’actuel deuxième étage) vers les chaudières, par des trémies encore visibles (carrés noirs au plafond).

Empruntons à présent le couloir qui mène à la salle des machines…

… pour y découvrir les machines à vapeur qui alimentaient les machines à imprimer les papiers peints.

Dans cette salle a été conservée la cabine du contremaître, jouxtant les panneaux de commandes.

C’est en voyant la maquette de l’usine, exposée dans cette cabine en bois, que j’ai réellement pris conscience de la taille et de l’importance que cette ancienne entreprise avait pu avoir dans cette petite ville, sachant que le bâtiment où nous étions était le petit rectangle à gauche de cette immense maquette.

Une image d’archive nous est également présentée par la guide grâce à un écran tactile. On y voit notamment la passerelle qui reliait la centrale électrique à la Seine.

Un petit tour par l’extérieur nous permet de visualiser ces bâtiments “en vrai”, côté porte arrière de la centrale électrique.

Près de l’entrée du site, les bâtiments, eux aussi élégamment construits en pierre meulière et en briques, abritaient la direction et les ateliers des dessinateurs.

Rentrons au chaud et retournons dans la salle des machines où de nombreux panneaux explicatifs sont à disposition des visiteurs “sans guide”, jouxtant d’immenses panneaux tactiles lumineux sur lesquels on peut faire défiler des collections de papiers peints numérisés.

En parcourant l’une de ces collections, j’ai reconnu certains motifs que j’avais probablement vu dans mon enfance, tant ces papiers Leroy étaient répandus, jusqu’au début des années 80.

“Étaient”, c’est bien le mot, car après des décennies de succès, le règne des papiers peints Leroy finit par s’éteindre, victime à la fois de la crise pétrolière (entre-temps, les chaudières à charbon avaient été remplacées par des chaudière au fuel) et du manque de clairvoyance, la firme ayant dédaigné le marché du papier vinyle.

En 1982, après plusieurs années difficiles, l’entreprise Leroy est mise en liquidation judiciaire et plus de 600 ouvriers sont licenciés.

En 2006, la centrale électrique se voit inscrite au titre des Monuments Historiques et rachetée par la ville de Saint-Fargeau Ponthierry qui la transformera en centre culturel, appelé “Les 26 Couleurs”, lequel a donc ouvert ses portes en juin 2011.

Je trouve que cette réhabilitation d’un ancien patrimoine industriel a été réalisée avec beaucoup de goût, et le bâtiment est encore plus beau la nuit, quand il révèle ses couleurs à travers ses fenêtres, tandis que le château d’eau affiche tour à tour 26 couleurs…

Merci encore au papa de mon mari pour avoir eu la bonne idée de nous faire découvrir ce site. 😀